Marynelle Debétaz, directrice de Nebia à Bienne

Nous sommes admiratifs et chanceux face à la richesse culturelle de cette ville, sa diversité, sa créativité foisonnante. On parle de plus en plus de cette culture biennoise, loin à la ronde. Elle remplit les pages de journaux, de magazines et les ondes de radios bien au-delà de son territoire et elle contribue très fortement à redonner une image positive à cette ville que nous aimons.  Cette richesse, elle est nourrie par ses institutions culturelles qui pour beaucoup fonctionnent à Bienne depuis longtemps avec peu de moyens et disposent de bien moins de ressources humaines et financières que leurs voisines dans les autres villes alentours. 

Le bilinguisme est une chance culturellement, mais il a aussi un coût important. La logique voudrait qu’une ville bilingue ait plus de moyens pour nourrir cette double culture, et pourtant Bienne est en queue de peloton dans la liste des grandes villes suisses en matière de dépense culturelle par habitant (via les impôts). 

Nebia travaille en permanence en étroite collaboration avec les artistes et compagnies indépendantes de théâtre, danse et de cirque. Cela fait partie de notre ADN en tant que théâtre d’accueil, qui soutient aussi la création dans une certaine mesure. Nebia travaille aussi en réseaux avec d’autres théâtres et artistes de Suisse surtout et d’Europe. L’état de la précarité est important dans le système romand des arts de la scène en général (ce système reposant essentiellement sur l’étroite collaboration des théâtres et des compagnies indépendantes qui engagent des artistes sur des périodes limitées, par projet) et la situation pour les artistes à Bienne est particulièrement difficile. Ils et elles n’ont pas les mêmes ressources que leurs voisins dans d’autres villes (il ne s’agit pas seulement des subventions publiques mais aussi d’autres facteurs, de l’argent de la Loterie, de fondations et mécènes privés, des moyens des théâtres comme Nebia qui devraient pouvoir les appuyer mais sont également en manque chronique de ressources et d’infrastructures). Cela ne dépend pas uniquement de la Ville mais si celle-ci limite les moyens accordés, cela déclenche automatiquement une réaction en chaîne limitant également les autres sources de financement, qu’elles soient publiques ou même privées.

Au moment où on réfléchit à l’échelle romande à comment améliorer la situation. La Ville de Bienne marque donc un recul plutôt qu’une avancée. Nous sommes particulièrement préoccupés pour les artistes Biennoi·e·s qui sont déjà les plus précaires du système et qui vont pâtir encore de ces coupes. Nous sommes inquiets aussi de ce que cela impliquera pour le positionnement de Bienne dans le paysage culturel suisse. 

Nous aimerions toutefois remercier la Direction et le Service de la culture de la Ville de Bienne pour les échanges. Nous avons le sentiment qu’à ce niveau les problématiques – concernant Nebia notamment mais aussi la précarité du secteur des arts de la scène plus largement – ont été entendues, qu’une volonté d’améliorer les choses est bien là, même si les moyens manquent cruellement. À ce titre, non seulement les artistes pâtissent fortement de la situation, mais les institutions qui « n’ont pas subi de coupes » en pâtissent aussi puisqu’elles devront renoncer à une augmentation des moyens reconnue comme hautement nécessaire. Là aussi Substance 2030 aura donc des répercussions négatives sur l’offre. Mais nous disons non à la fragilisation des plus fragiles qui sont des professionnel·le·s de talent qui demandent à pouvoir vivre de leur métier.